France

Je suis d’origine coréenne.

Cela veut dire que je suis née dans un pays qui a connu une réussite économique fulgurante. Un pays extrêmement riche en histoire. Un pays qui a su organiser et développer un système d´adoption légal et honnête. Un pays conscient aussi, au même titre que de la division de la péninsule, d´avoir laissé partir beaucoup d´enfants vers les pays occidentaux en vue d´une adoption.

Il se trouve que j´ai vécu deux ans et demi en Corée où j´ai étudié la langue et me suis entièrement immergée avec le peuple coréen. Après cette expérience, je sais que ma vie est entre la France et la Corée parce que j´ai aussi retrouvé mes parents biologiques. A vrai dire, rien ne prouve encore qu´ils soient vraiment mes parents mais cela m´a ouvert les yeux sur une caractéristique : c´est que le mot « adoption » n´est pas toujours agréable à entendre surtout pour les concernés. Il était important pour moi que je démystifie ce mot. Me reportant à mon expérience personnelle, je pense que faire les démarches pour rechercher ses parents biologiques signifie qu´on est conscient de son état d´adopté et qu´on l´accepte, bien plus que le besoin de connaître ses racines.

En tous les cas, avant de me retrouver nez à nez avec mes parents biologiques, je détestais ce mot « adoption » et j´en voulais à la terre entière de ne pas être née blonde aux yeux bleus. Et si j´écris ces lignes, c´est parce que je souhaiterais tellement rassurer et redonner de l´assurance à ceux et celles qui ne seraient toujours pas à l´aise avec cet état d´ « adopté » et qui se posent la question de savoir s´il est nécessaire de rechercher ses parents biologiques. La réponse est claire pour moi. Il est absolument nécessaire de faire ces démarches, ne serait-ce que pour mieux accepter le mot « adopté ». Même si on nourrit des rêves de conte de fée que l´ignorance autorise, pouvoir se projeter à des visages qui nous ressemblent, toucher les personnes mêmes qui nous auraient procréé, c´est si réconfortant et fortifiant. A mon avis, mieux vaut la pire nouvelle que l´ignorance.

Vivre en harmonie avec soi-même, n´est-ce pas le but d´un chacun ? En ce qui me concerne, je suis passée par des états dépressifs parce que je me suis cachée à moi-même ma propre personnalité avec mes propres angoisses. Parce que je ne voulais pas faire de peine à mes parents adoptifs et que je voulais tant être à leur image. Cela me rendait malheureuse et allait à l´encontre de mon propre accomplissement. Aujourd´hui, je pense sincèrement que mes parents adoptifs n´ont aucun droit sur moi. Il m´ont donné l´amour essentiel pour mon équilibre et je leur rends cet amour. Et pour tout le reste, je suis seul juge. Et si j´avais décidé de vivre avec mes parents biologiques, ce qui n´est pas le cas, ce serait mon propre choix avec toute ma tête et mon cœur.

J´ai dit tout à l´heure que je n´étais pas sûre d´avoir rencontré mes parents biologiques parce que je n´ai pas encore fait de test génétique mais même s´il s´avère qu´ils ne le sont pas, cela restera une expérience émotionnelle inoubliable. J´envisage même avec sérénité la possibilité que le test soit négatif et que je ne retrouve jamais mes parents biologiques. Le principal est que je me soit libérée de la connotation socioculturelle et péjorative du mot « adoption », aussi j´encourage chaque adopté à entreprendre les démarches pour rechercher ses parents biologiques.

Je voudrais cependant préciser, que je ne pense pas qu´il faille coûte que coûte entreprendre des recherches en s´imaginant qu´on sera libéré de tous les problèmes existentiels que chacun peut connaître, surtout à l´adolescence. J´ai trop rencontré d´adoptés déçus… Cela demande une préparation psychologique et aussi une certaine maturité. Nous avons tous un mode de raisonnement différent, parce que nous avons tous une personnalité propre, aussi chacun doit ressentir le moment où il sera prêt à entreprendre les démarches. Je crois en effet que ce genre de démarche est avant tout une recherche venant soi-même.

France Espinasse