Marie

A la recherche du Matin Calme…

par Marie, 22 ans, arrivée en France à l’âge de 9 ans

Retourner en Corée a toujours fait partie de ces souhaits d’enfant que l’on imagine ne pouvoir réaliser que dans un futur très lointain. Mais les choses se sont précipitées grâce à la bourse que m’a accordée l’Université… Je suis donc partie pour perfectionner mon coréen, mais aussi avec le désir secret de retrouver l’endroit où j’avais vécu et d’entamer des recherches pour retrouver ma famille. D’autres enfants adoptés ayant déjà fait la démarche m’avaient mise en garde contre les déceptions. C’est donc avec beaucoup de prudence que je me lançais dans cette aventure…

Un premier contact déroutant

Mon arrivée en Corée fut un choc ! Je n’aimais pas Séoul avec son rythme infernal. Dans la rue je trouvais les Coréens parfois brutaux, voire froids. En fait, tout ce qui, lorsque j’étais enfant, me paraissait naturel, comme manger en faisant du bruit, me choquait à présent.

Comme je ne parle pas bien coréen, je n’étais pas toujours bien vue et on me prenait souvent pour une Coréenne émigrée aux Etats-Unis ou pour une Japonaise. Certains, lorsqu’ils comprenaient que j’avais été adoptée, prenaient pitié de moi et parfois même me disaient qu’ils avaient honte de leur pays, comme si la Corée avait vendu ses enfants. En fait, les Coréens se font une idée très négative de l’adoption: un enfant adopté est forcément exploité par sa famille adoptive. Une jeune fille m’a même soutenu que mes parents adoptifs ne pouvaient pas m’aimer autant que mes parents de sang!

La première rencontre avec mon père depuis…

J’avais gardé un souvenir très flou des membres de ma famille coréenne et je m’étais promis de les retrouver pour leur montrer ce que j’étais devenue et pour savoir s’ils allaient bien. Je ne souhaitais pas renouer des liens forts; non, juste les rencontrer une fois ou deux pour supprimer ce point d’interrogation qui demeure toujours lorsqu’on a été abandonné, même si cela n’est pas vécu comme un drame.
Les recherches ont été très rapides, trop même… avec l’aide d’une amie coréenne, en moins de 48 heures, j’ai retrouvé ma famille. J’ai été dépassée par la rapidité des événements, car je m’étais imaginé un long travail de recherche qui m’aurait permis de me préparer avec douceur à la rencontre. Mais une fois que l’on a mis la main dans l’engrenage…il est impossible d’arrêter la machine!
Lorsque la confrontation a eu lieu, je me suis fermée comme un coquillage, je ne voulais pas me laisser gagner par l’émotion. Malgré les neuf années que j’avais vécues avec mon père, je ne l’ai pas reconnu, et j’ai été peinée de voir qu’il ressemblait à tous les Coréens que j’avais croisés dans la rue: j’aurais voulu qu’il soit différent, qu’il me ressemble à moi! La communication a été très difficile, tant du point de vue de la langue que des idées… je fus obligée de constater que nous étions fondamentalement différents: lui était coréen et moi française… Même si je ne m’étais pas fait d’illusion sur cette rencontre, il est bien difficile d’accepter que son propre père soit à ce point étranger! Je commençais un peu à regretter d’avoir fait ces démarches.

Mais au bout du compte un bilan positif !

Aujourd’hui avec le recul, mes regrets se sont dissipés, ne serait-ce parce que je sais que ma famille en Corée va bien, et le soulagement que cela me procure adoucit toutes mes déceptions. Nous sommes restés en très bons termes, et il est prévu que je retourne en Corée l’été prochain, mais je ne vivrai pas dans ma famille car les coutumes sont trop pesantes.
Vis-à-vis de la Corée, le rejet du départ a fait place à la tolérance et à la curiosité. Je compte bien y retourner régulièrement pour approfondir mes connaissances dans la langue et la culture, et plus tard j’aimerais exercer un métier en rapport avec la Corée… Force est de constater que je suis attirée par ce pays et ses habitants!… Mais je me sens plus que jamais française !