Polémique 2011

Placé, « notre Coréen national »

par Rue89
le 03/09/2011 à 15H20

L’interview recueillie par Public Sénat est anodine, elle porte sur ses pronostics pour les élections sénatoriales à venir : l’ancien secrétaire d’Etat Alain Marleix n’est pas inquiet pour son parti. Mais soudain, il a ces mots :

« Dans l’Essonne, […] notre Coréen national, Jean-Vincent Placé, va avoir chaud aux plumes. »
David Hamon, président de l’association Racines coréennes (Association française des adoptés d’origine coréenne), membre du Conseil supérieur de l’adoption, nous a envoyé de courrier dans la soirée de samedi :
« Je tenais à vous faire savoir que les propos vexants, choquants et outranciers tenus par M.Marleix à l’encontre de M.Place ont profondément choqués l’ensemble des Adoptés, coréens et d’ailleurs.Ces propos sont navrants et inquiétants sur la légitimité de notre lien de filiation.
En matière d’adoption internationale au cas présent, nous ne choisissons pas notre pays d’accueil. Si celui-ci ne nous considère pas comme un de ses citoyens à part entière, où va-t-on ? »
Jointe par Rue89, Geneviève Miral, présidente de l’association « Enfance et familles d’adoption », soupire :
« Une fois de plus, nos enfants sont renvoyés à leurs apparences extérieures, comme si ce qui les définissait exclusivement, c’était leur origine. Et parmi les enfants adoptés de “couleur”, ceux d’origine asiatique ne sont pas épargnés par le racisme. »
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Jean-Vincent Placé par franceinter

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par AFP
le 06.09.2011 à 15:40

“L’interprétation donnée à ces deux mots est tout à fait exagérée. Elle ne reflète en rien mon opinion sur M. Jean-Vincent Placé”, a déclaré M. Marleix à l’AFP.

“La vie entière et mon combat de toujours lié au gaullisme montrent que je suis allergique à toute forme de racisme”, a-t-il affirmé.

“Si cette interprétation erronée (de mes propos) a pu blesser, je le regrette”, a dit encore l’ancien secrétaire d’Etat.

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Eric, le 06/09/2011 à 18h22,
posté en commentaire sur LeFigaro.fr

“Il ne s’agit pas d’une “interpétation exagérée” quand deux mots ont évoqué une origine raciale. Quand je parle avec l’accent du Cantal, c’est cohérent avec ce que je suis et comment je me ressens. Je me fiche pour l’instant de mon pays d’origine, que de toute façon je ne connais pas. J’aspire à vivre sans que l’on me bouscule dans mon rapport “touchy” à mon pays d’origine, qui n’est que mon pays d’origine et pas celui qui m’a donné une nationalité. Ce pays là, c’est la France. Dans mon quotidien et pour l’instant dans mes pensées, je préfère me distinguer par mes liens sociaux, mon activité professionnelle, ma créatvité et rester tourné vers mon avenir bien focalisé sur ce que je suis et ce que je fais en tant que citoyen français aujourd’hui pour demain. S’entendre dire que l’on a “des opinions sur” est insupportable, et sur-déterminer une identité (“coréen”) relève d’un jugement, et non pas d’une maladresse. Vivre mon identité, il me semble, n’appartient qu’à moi. Car il s’agit bien d’appeler M. Marleix à ne pas “regretter” mais à chercher à comprendre pourquoi il a de manière irrévocable renvoyé M. Placé à ce que jamais il n’a certainement voulu qu’on le renvoit un jour, comme pour moi et les autres adoptés. Mon malaise est de ne pas connaître mes origines et mon histoire. Une réaction du type : “Placé doit renier ses origines comme une maladie honteuse” indique à quel point, lui, moi, nous, sommes pris pour ce que nous ne sommes justement pas. Je ne peux pas renier ce que je ne connais pas ou ce que j’aurais tant espéré connaître, et qui souvent fait l’objet de tous mes questionnements. Merci à M. Marleix de nous contraindre publiquement à exister en nous justifiant perpétuellement, de ce que nous nous sentons Français et pas du tout Coréen.”

Un adopté du Cantal qui déplore aussi… – Aurillac –

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Jean-Gabriel, le 9/09/2011 à 00h09,
posté en commentaire sur LeFigaro.fr

“Les propos tenus, par rapport à Jean-Vincent Placé et par rapport à ce qu’est l’adoption sur le plan familial mais aussi sur le plan sociétal, sont indignes, déplacés. Totalement.
Ces propos n’ont rien d’ordinaire, ils ont en eux “la violence du calme” *: sous couvert de mots ordinaires, ils sont une atteinte à la dignité (chacun dans la société a droit à la dignité ), ils sont aussi une atteinte à la citoyenneté.
Ils n’ont surtout aucune légitimité. Ni légitimité politique. Ni légitimité juridique. Ni légitimité morale, a fortiori.
Ils traduisent de plus une confusion regrettable, et tout autant qu’une méconnaissance de l’adoption, une méconnaissance de la filiation.

N’en déplaise, l’adoption ouvre la société de façon irréversible, durable, elle devient une respiration salutaire quand la politique n’est que politicienne et vient à manquer cruellement d’air. Elle fait signe sur un monde en devenir, forcément pluriel, forcément multiculturel.

Les propos tenus à l’encontre de Jean-Vincent Placé ne peuvent que soulever de l’indignation. D’autres indignés répondront d’une manière ou d’une autre.

Car le sang, oui, le sang a besoin de liens, mais de liens ouverts, pour aller jusqu’au coeur. Le sang est la vie qui court dans les veines jusqu’au coeur. La vie n’est pas récusable, elle ne peut etre reconduite à la frontière, à fortiori par des propos indignes. La vie passe la frontière, sur bien des plans. La vie est toujours bilatérale. Sur le plan culturel, sur le plan social, sur le plan économique, sur le plan politique.

Le repli ne témoigne que de la peur, que du refus de ce qui est à venir. La vie, elle, continue à inventer la vie, lorsque la vie est abandonnée. L’adoption fait invariablement partie de ce monde-là.

Pas d’un autre.

Il y a un monde dont on ne veut pas, dont on ne veut plus: celui qui n’accepte pas l’autre pour ce qu’il est, quelqu’un de digne. Respectable et à respecter.

La vie est une question de choix, d’élection, au sens noble du terme.

Signé
Un père adoptif, aussi père biologique, indigné

* j’utilise des mots de Viviane Forrester”

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