Société
Mariage pour tous : qui se préoccupe de l’enfant adopté ?
(Mis à jour: )
Tribune – L’adoption par des couples de même sexe doit faire l’objet d’une réflexion collective.
Par Hélène Charbonnier, présidente de Racines coréennes, et Jean-Vital de Monléon, pédiatre, anthropologue, tous deux membres du Conseil supérieur de l’adoption
Dans le débat actuel sur l’adoption par les couples de même sexe, l’enfant devrait être replacé au centre des débats. En théorie, et dans les paroles de chacun, il est proclamé que l’adoption a pour but de trouver une famille à un enfant et non le contraire. Nous nous demandons quelle est la place donnée à l’enfant adopté dans les débats actuels. Entre un désir d’égalité entre les couples, quelle que soit leur composition, et les réactions émises par des mouvements philosophiques, politiques, ou religieux, que fait-on de l’adopté ? Qui s’interroge sur la «famille» ou la parentalité se doit de cheminer pour mieux connaître ou comprendre la personne adoptée.
Représentant les adoptés adultes, ou suivant chaque jour en consultation des enfants et adolescents adoptés, nous savons qu’il n’est pas toujours facile en France, dans une école ou dans la rue, d’être le seul à avoir «cette» couleur de peau, d’être le seul à avoir «cette» histoire précédant l’arrivée en France, faite de séparations et de chamboulements. La loi peut-elle rajouter une nouvelle différence sans concertation aucune des experts de l’adoption, sans évoquer l’avenir des adoptés en recueillant leurs ressentis ? A ce jour, trop peu d’études fiables renseignent sur le devenir des enfants adoptés en France et sur le devenir des enfants élevés dans des familles homosexuelles. Nous savons déjà que les adoptions internationales réalisées par des célibataires, des couples âgés, des couples plus fragiles ou plus exaltés sont autant de facteurs de risque. Nous pensons que l’adoption par des couples de même sexe doit faire l’objet d’une réflexion collective. Nous aimerions pouvoir en parler, sans polémique, en toute objectivité, et nourrir l’échange d’un diagnostic à jour sur l’adoption nationale et internationale.
Nous comprenons les besoin légitimes de parentalité, mais le fort désir d’enfant, s’il est essentiel pour dépasser les obstacles de l’adoption et donner amour et protection à son enfant, ne suffit pas toujours. Nous avons aussi été surpris de voir combien l’adoption et ses problèmes sont actuellement occultés. Pour être très polémique, pour interroger sur les fondements de la famille, ce débat n’a finalement qu’une faible importance dans le quotidien des familles adoptives, des personnes adoptées, et de la plupart des postulants à l’adoption internationale.
La diminution de l’adoption internationale a pour conséquence de voir arriver des enfants plus âgés, ayant vécu plus de situations difficiles, en moins bonne santé, en fratrie, ce qui, plus que jamais, nécessite une meilleure préparation des professionnels, des futures familles adoptives, et un accueil adapté à leur arrivée. Le principe d’accompagnement post-adoption ne parvient pas à s’imposer. Les consultations d’adoption qui sont, pour les pays d’origine, le gage d’une qualité de l’adoption en France, ne bénéficient toujours d’aucune aide, d’aucune reconnaissance officielle alors que, malgré la chute du nombre d’adoptions, de plus en plus de familles et d’adoptés veulent faire appel à leurs compétences avant ou après l’adoption.
Nous sommes tous deux membres du Conseil supérieur de l’adoption (CSA). Cette instance, constituée d’experts, des différents intervenants et acteurs de l’adoption, et représentant le peuple par le biais de ses élus, semble en sommeil. Malgré les nombreux soucis et débats évoqués par l’adoption, cela fait trop longtemps qu’il n’a pas été réuni. Alors que le rapport Colombani déclarait la nécessité de lui donner une meilleure écoute, il a été constamment oublié ces dernières années. En 2007, la condamnation de l’Arche de Zoé, unanime et sans ambiguïté, par le CSA, n’a pas été diffusée. Fin 2009, lors d’une réunion consacrée aux différences entre les modes d’adoption plénière et simple, le CSA concluait que l’adoption plénière était la forme la mieux adaptée à l’adoption internationale, en terme d’obtention de la nationalité et de sécurité pour l’enfant qui arrive. Depuis, les tribunaux n’ont jamais autant délivré d’adoptions simples. En outre, d’autres débats, comme l’adoption individuelle, son évolution, son encadrement, restent toujours en chantier. En janvier 2010 a eu lieu le tremblement de terre en Haïti, qui fut un séisme pour ce pays mais aussi pour le monde de l’adoption. Des mesures allant à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’adopté ont été prises alors que le CSA n’était pas convoqué.
Au Conseil supérieur de l’adoption, il y a des adoptés, des familles adoptives, des psychologues et travailleurs sociaux des départements, ainsi que des soignants. Tous connaissent l’adoption, et plus encore, les enfants qui ont été adoptés et qui sont aujourd’hui vos concitoyens. Il serait dommage de l’oublier encore dans les débats actuels. Il serait dommage également de mettre le CSA au travail trop tardivement ou pour le principe.