By Chong Won-sik, Weekly Kyunhyang
Un an après le bombardement nord-coréen de l’île de Yeonpyeong, en Corée du Sud, les habitants restent traumatisés par cette attaque surprise. Malgré tout, ils ont commencé à reconstruire leur île. Reportage dans Chugan Kyunhyang.
© Dessin de Kopelnitsky, Etats-Unis.
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L’île de Yeonpyeong est à trois heures de bateau d’Inchon [ville portuaire située à une cinquantaine de kilomètres de Séoul]. Lorsqu’on débarque, on peut apercevoir en levant les yeux une colline rayée comme une pastèque. Ce sont les traces de l’incendie provoqué par le bombardement nord-coréen du 23 novembre 2010. Depuis, la fumée a disparu, le calme est revenu sur l’île, si l’on excepte le fond sonore formé par les moteurs des véhicules civils et militaires et les travaux.
A travers une brèche d’un mur du stade, non loin de la route côtière, on distingue des carcasses de ferraille. Tout autour subsistent les cicatrices laissées par des éclats d’obus. “Nous avons bien l’intention de les laisser ainsi, pour nous souvenir”, raconte Chang Hung-hwa, maire adjoint de Yeonpyeong. D’autres traces du bombardement seront aussi volontairement conservées. L’une des maisons détruites sera transformée en une sorte de musée, témoin de la barbarie de ce moment.
Sur cette île de 1 758 habitants il existe 19 abris. On trouve dans chacun des rangées de tapis en polystyrène et une armoire de médicaments, des lampes de poche, des bougies, des bouteilles d’eau minérale. Ces refuges ont été équipés après le bombardement de l’année dernière. Mais ils ne seront probablement jamais utilisés, car 7 autres plus vastes sont en cours de construction.
L’île panse ses blessures : 42 bâtiments à reconstruire. Des tractopelles, des bétonnières et des camions sillonnent les routes et les rues à longueur de journée. On vient de reconstruire 7 maisons et 4 des familles qui vivaient dans des baraques de fortune installées sur le terrain de l’école primaire y ont emménagé. Les autres maisons devraient être achevées sous peu.
Pyon Chong-hyon, 53 ans, tient une auberge. Il s’est vu attribuer une de ces constructions. Il dit ne pas être inquiet. “Les gars du Nord ont fait ça comme ça, pour voir. Mais ils auront du mal à recommencer, car du coup nous sommes mieux armés.” Certains habitants ont passé un mois dans un établissement de bains collectifs à Inchon et trois mois dans de tout nouveaux appartements à Kimpo [près d’Inchon], mais ils sont tous de retour sur l’île depuis février. A la mairie, on fait remarquer : “La population a augmenté de 200 personnes depuis ces événements” – y compris, il est vrai, les ouvriers et les soldats qui ont été transférés sur l’île dans le cadre du renforcement de la présence militaire.
Malgré la reconstruction, les habitants sont amers. Sin Il-gun, 41 ans, a récemment démonté ses installations ostréicoles avec l’aide de soldats. “Nous n’avons touché aucune indemnité pour les quatre mois de travail perdus, se plaint-il. Il nous faut aussi une aide psychologique. On boit beaucoup plus qu’avant.” Il tient à remercier ceux qui leur ont envoyé de l’argent. “Les gens ont fait plus que l’Etat.”
M. Kim, un ancien militaire quinquagénaire, a pris sa retraite en mai 2010. “Le jour du bombardement, je n’arrivais pas à parler tellement j’avais la bouche sèche, alors que j’étais un soldat entraîné.” Aujourd’hui, il ne vit plus dans l’angoisse, sauf quand il entend les détonations provoquées par les exercices de l’infanterie de marine. “Il y a des vieilles dames qui fondent en larmes quand elles entendent ça.” C’est le cas de O I-bun, 81 ans. Après le bombardement, elle a été transférée dans un hôpital d’Inchon, où elle est restée quatre mois. Elle était surtout atteinte psychologiquement. “Arrêtez de m’en parler, ça me fait battre le cœur.” Quand on lui demande pourquoi elle est revenue sur l’île, elle répond : “De quoi vivrais-je sinon ? Vous croyez que mes enfants m’auraient nourrie ?”
Son voisin, Kim Yu-song, 81 ans également, a aussi eu des dégâts chez lui. Tout a été réparé grâce à l’argent de la collectivité locale, mais sa femme n’est pas contente : “La maison n’a été restaurée qu’en apparence, elle est fichue. Le béton est fissuré.” “Certains, dont la demeure a été relativement épargnée, trouvent la situation injuste, car ceux qui ont eu une maison complètement détruite en ont obtenu une neuve, qui vaut plus que l’ancienne”, raconte Choi Song-il, 48 ans, patron d’une entreprise de construction. Après le bombardement, il a participé à la commission d’aide aux habitants : “Les choses vont mieux. Mais les gens sont quand même inquiets. C’était tout de même insensé de tirer sur des civils. Ils ont du mal à quitter leur nid, mais ils disent tous que, si les Nord-Coréens récidivent, ils feront leurs bagages.”
Repère
Le 23 novembre 2010, dans un contexte de tension et d’absence de dialogue suite à l’arrivée au pouvoir des conservateurs en Corée du Sud, des batteries nord-coréennes tirent sur l’île sud-coréenne de Yeonpyeong, située en mer Jaune, tout près de la frontière maritime entre les deux Corées. Cet incident d’une gravité sans précédent depuis l’armistice de 1953 fait 4 morts du côté sudiste, dont 2 civils, et plusieurs dizaines de blessés.
Un an après, les relations intercoréennes en sont toujours sensiblement au même point. La Corée du Nord vient de menacer de faire de la résidence présidentielle à Séoul une “mer de feu”. Pourtant, plusieurs pays, dont les Etats-Unis et le Japon, tentent de ramener le pouvoir nord-coréen à la négociation sur la non-prolifération des armes nucléaires. Mais la Corée du Nord vient d’annoncer qu’elle avait avancé sur la construction d’un nouveau réacteur et la production d’uranium enrichi.