Retrouvez Racines coréennes pour assister à la projection en plein air du film “Poetry’ à La Vilette :
http://www.villette.com/
Location de transat
– Carte villette Gratuit
– Forfait 5 transats 20 €
Côté pratique:
– arriver vers 20h est préférable si on veut trouver une bonne place, notamment si on est un groupe, beaucoup de personnes font un pique-nique
– diffusion sous réserve d’une bonne météo
– le film commence généralement vers 22h30
– l’herbe est fraîche en soirée, prévoir quelque chose pour s’asseoir
– la chaleur tropicale étant encore loin, une petite laine est en général utile .
Dernier métro: 00h47 si je ne me trompe pas.
Voir l’évènement Facebook :
https://www.facebook.com/events/402727903109577/
La bande-annonce :
L’interview de LEE Chang-dong :
La critique de Télérama, lors de sa sortie en salle le 25 août 2010 :
Aïe, le titre effraie…. Poetry en anglais, traduction du coréen « shi » : en français, donc, littéralement, « poésie ». Bon, ça fait combien de temps qu’on n’a pas lu un poème ?… Un résumé hâtif ne serait guère plus aguicheur : soit l’odyssée d’une modeste grand-mère, aide à domicile pour personnes encore plus âgées qu’elle, dans une ville de province, aujourd’hui, en Corée du Sud. On lui diagnostique un début d’Alzheimer, elle s’inscrit à un cours de poésie, puis découvre que son petit-fils a participé à une tournante : la jeune fille violée vient de se jeter dans la rivière… Ça ne fait pas trop envie, tout ça… Mais voilà, Poetry est un des plus beaux films qu’il nous ait été donné de voir cette année, d’une intelligence et d’une puissance émotionnelle remarquables et, avis personnel, le prix du scénario qu’il a remporté à Cannes ne lui rend pas tout à fait justice.
Poetry est illuminé par la présence d’une comédienne comme le cinéma coréen semble mystérieusement en compter à foison : Yun Jung-hee fut une immense star, révélée au milieu des années 1960, qui avait arrêté le cinéma il y a plus de quinze ans pour suivre la carrière de son mari pianiste. De retour devant une caméra, elle prête à son personnage, Mija, un mélange singulier de candeur et d’entêtement. Lee Chang-dong (qui avait déjà écrit un très beau rôle de femme dans Secret Sunshine, son précédent film, prix d’interprétation à Cannes en 2007) la filme avec une immense pudeur. On ne sait jamais ce que pense cette accorte et fragile « senior », impeccablement vêtue de robes à fleur et d’élégants petits chapeaux. Mais on la suit dans sa vie quotidienne, qui devient un chemin de croix, et aussi, paradoxalement, une libération. Pour nous, elle sera le témoin d’un monde qui fout le camp, de moins en moins compréhensible, de plus en plus dégueulasse.
Car il y a la maladie qui commence à l’entraver dans la vie de tous les jours. Et puis ce vieux grippe-sou hémiplégique qu’elle savonne et habille chaque soir – et qui s’est procuré du Viagra pour satisfaire une dernière fois ses appétits ! Et surtout ce petit-fils ingrat et odieux, ado scotché à la télé, dont elle découvre, ébahie, qu’il a, pendant des semaines, fait partie d’un clan de violeurs. Oh, ce n’est pas bien grave, les parents des autres élèves concernés savent qu’un peu d’argent réparera le crime. Un dédommagement pour la mère en deuil l’empêchera de porter plainte : 30 millions de wons, et c’est oublié. La conversion nous donne le prix d’une jeune fille, aujourd’hui, en Corée : 20 000 euros. Une affaire.
Et puis il y a, d’un autre côté, ce poète professeur de poésie qui apprend à regarder, comme si c’était la première fois, une pomme ou une fleur, qui engage à traquer la beauté du monde. On ne jurerait pas qu’il est si bon poète ni excellent prof (Poetry est le second film, cette année, après Bright Star de Jane Campion, à jeter les bases d’un enseignement de la poésie). Qu’importe, le plus dur, comme il l’explique, « n’est pas d’écrire un poème, mais d’avoir envie d’en écrire un ». De fait, Mija veut remplacer les mots qui lui échappent par ceux que l’inspiration pourrait lui souffler : écrire au moins une poésie est une obsession qui, sans cesse, semble la distraire de la gravité du monde. Les parents d’élèves attendent qu’elle participe au marchandage, l’envoient même voir la mère éplorée. Mija ne fait pas ce qu’il faut, s’égare dans la contemplation de la nature. L’écriture rimée n’est pourtant pas, pour elle, un refuge : on comprend, peu à peu, et notamment au terme d’un bouleversant dénouement, que la poésie peut avoir pour vertu de réenchanter le monde. Un seul poème pourrait-il sauver l’humanité ?…
Lee Chang-dong a été romancier (deux longues nouvelles publiées au Seuil) et il y a bien, dans Poetry, une architecture de récit très romanesque : la juxtaposition de séquences éparses finit par faire sens, le spectateur est saisi, embarqué dans cette rigoureuse construction dramatique, comme s’il était le lecteur d’un épais roman. Le film répond en un sens, par son classicisme et son humanisme, au brio et à la cruauté de Mother, le film quasi symétrique de Bong Joon-ho, sorti en début d’année. Deux personnages de femme mûre aux prises avec un crime révulsant : l’une arc-boutée jusqu’à la folie sur sa descendance, l’autre prête à racheter l’espèce humaine. Lee Chang-dong cache bien son jeu, mais son film noir et saisissant ne manque pas, in fine, d’une inébranlable foi en l’homme.
Aurélien Ferenczi